En ce début de XX ème siècle, Lucien Ernouf, Capitaine au long cours a déjà accompli sept tours du monde sur de prestigieux trois ou quatre-mâts qui assuraient la liaison entre la France, la Nouvelle-Calédonie et le Chili, en passant par le Cap Horn : époque prodigieuse ou les commandants de ces cathédrales de voiles avaient souvent moins de vingt cinq ans !
Lucien était un de ces hommes aventureux qui après avoir cessé de naviguer, s’était lancé dans plusieurs affaires dont l’exploitation d’une compagnie maritime entre Chausey et le continent.
Ses bateaux, le Dream, puis la Mouette et l’Albatros, embarquent désormais une population d’estivants commençant à s’intéresser à ces iles jusqu’alors fréquentées par des carriers qui en extrayaient le granit.
En 1928, Lucien Ernouf achète son hôtel à Madame Moulin. Pour ce faire, il s’associe avec Louis Renault, le constructeur automobile, arrivé depuis peu sur l’île, avec lequel il s’est lié d’amitié.
C’est à cette époque que l’établissement prend définitivement le nom d’Hôtel du Fort et des Iles. Dans les années qui suivent, plusieurs gérants se succèdent aux commandes de l’hôtel : Jules Quinette jusqu’en 1932, puis Monsieur Rosas jusqu’à la déclaration de la guerre et enfin Madame Blondeau en 1946 dont le souvenir est encore vivace chez certains Chausiais.
A partir de 1971, la gérance est reprise par la famille.
Actuellement, après 130 ans d’activité, l’Hôtel du Fort et des Iles est toujours dirigé par les descendants de Lucien Ernouf.
Toute l’histoire de l’hôtel
1860 - Le bureau du génie militaire
Début de la construction du fort. Un bureau du génie militaire est édifié au nord des douves, à proximité immédiate du chantier. Cette petite bâtisse, originellement destinée à abriter les officiers chargés de suivre l’avancement des travaux, est maintenant englobée dans l’Hôtel du Fort et des Iles, dont elle constitue la partie la plus ancienne.
1872 - La tour Baudry
L’ancien bureau du génie militaire est désaffecté après l’achèvement de la construction du fort. Une tourelle, la Tour Baudry, servant d’alignement pour délimiter les zones de pêche aux huitres entre Granville et Cancale est édifiée à l’angle sud est du bâtiment. Elle est toujours dans les arrières de l’hôtel.
1884 - Le restaurant Moulin
Pierre Moulin, carrier et pêcheur à Chausey, construit une baraque en bois adossée au nord de l’ancien bureau du génie militaire pour en faire un bureau de tabac-buvette. Il tient le modeste établissement avec l’aide de sa femme, Emilie Osmond, elle-même fille de carrier.
L’entreprise prospère peu à peu et commence à servir des repas aux touristes de passage
1897 - L'hôtel Moulin
Encouragé par ce succès, Moulin obtient un bail de la mairie de Granville afin d’agrandir l’établissement et de le transformer en véritable hôtel. La permission lui est accordée sous réserve que sa construction soit munie d’un toit plat : il ne fallait pas gêner les tirs d’artillerie des batteries du fort, ordre du Ministère de la Guerre ! On sourit maintenant, quand on sait qu’il n’a jamais été tiré un seul coup de canon de ce fier édifice, mais on a ainsi l’explication de cette bizarrerie architecturale : l’hôtel Moulin, comme on l’appelle alors, est en effet la seule maison dotée d’un toit plat…
1909 - L’Hôtel du Fort
Décès de Pierre Moulin. Sa femme confie la gérance de l’établissement à un négociant en vins de Donville, Louis Quinette. Celui-ci entreprend plusieurs travaux d’agrandissement, dont la nouvelle extension, appelée « Bel Air », qui s’appuie sur la face sud de l’ancien bureau du génie militaire. Il fait également construire des chambres supplémentaires dans un bâtiment tout proche appelé « les Annexes » et un petit abri à usage d étable baptisé « Les Ronces ». Le tout est achevé en 1914 et l’hôtel a désormais la physionomie qu’il a conservée de nos jours.
1928 - L'Hôtel du Fort et des Îles
Dans les années d’après guerre, des conflits incessants entre les descendants de Quinette et Emilie Moulin, qui est toujours propriétaire de l’hôtel, poussent cette dernière à vendre son établissement. C’est à cette époque, en 1928, que Lucien Ernouf fit l’acquisition de l’Hôtel du Fort qui deviendra ensuite, Hôtel du Fort et des Iles.
Crédits : Textes Gilbert Hurel, aquarelle J.L. Eve.